En République Démocratique du Congo, la TVA au taux de 16 % s’applique à presque tous les intrants de la construction : matériaux de ciment ,équipements, services, importés comme locaux. Résultat : chaque chantier supporte un surcoût global de 10 à 12 % sur son budget total. Un poids lourd, surtout dans un contexte de reconstruction et de besoin massif en logements abordables.

Quand la TVA freine le béton
Derrière le taux unique de 16 %, trois effets majeurs pèsent sur le secteur :
• Un effet prix immédiat : ciment, acier, câbles, sanitaires, engins… la TVA renchérit de 14 à 16 % la plupart des intrants. Pour un ménage bâtisseur ou un projet public, c’est +10 % de budget global.
• Une pression de trésorerie : à l’import, la TVA doit être avancée avant même d’enlever les marchandises. Le remboursement des crédits TVA est lent, ce qui immobilise des millions et renchérit le besoin en fonds de roulement de 1 à 3 % par an.
• Un effet macro négatif : certains projets sont reportés, d’autres voient leurs surfaces ou spécifications techniques réduites. Pire, une partie de la demande bascule vers l’informel, échappant à l’impôt.
Que montrerait une réforme ciblée ?
Prenons un panier de matériaux facturé 100 USD HT :
• Avec 16 % de TVA → 116 USD TTC
• Avec 10 % → 110 USD TTC (–5,2 %)
• Avec 8 % → 108 USD TTC (–6,9 %)
Avec une élasticité de la demande comprise entre –0,6 et –1, une telle baisse stimulerait la consommation de +3 à +5 %. Et même si les recettes unitaires de TVA diminuent, l’élargissement de l’assiette et la formalisation compenseraient une partie de la perte.
L’exemple européen
Plusieurs pays européens ont déjà ajusté la TVA pour soutenir la construction et le logement :
• France : 5,5 % pour la rénovation énergétique, 10 % pour la rénovation classique.
• Royaume-Uni : 0–5 % sur certains travaux résidentiels.
• Irlande : 13,5 % sur la construction résidentielle.
• Luxembourg : 3 % sur la résidence principale.
Ces mesures sont ciblées, conditionnelles et accompagnées de contrôles (qualité, efficacité énergétique, logement social).
Quelles pistes pour la RDC ?
Plusieurs options sont sur la table :
• Un taux réduit de 5-8 % pour les matériaux de construction.
• Un zéro-rating temporaire à l’import pour soulager la trésorerie.
• Un remboursement accéléré (30 jours) pour les chantiers éligibles (logement social, infrastructures publiques, reconstruction post-conflit).
• Un taux super-réduit (5–8 %) pour le logement social ou la rénovation.

Impacts attendus
• Prix TTC : –3 à –7 % selon l’option.
• Volumes : +3 à +7 %.
• Formalisation : la TVA réduite, combinée à l’e-facturation, ferait basculer une partie de l’informel vers le formel.
• Recettes publiques : baisse immédiate de la TVA, mais compensée par l’Impôt sur les sociétés, l’IR et les droits liés à l’activité accrue.
Les garde-fous nécessaires
Une telle réforme ne peut réussir qu’avec :
• Une liste positive des matériaux/services éligibles.
• Une e-facturation obligatoire liée à un numéro de chantier.
• Des remboursements rapides pour les opérateurs fiables, contrôlés a posteriori.
• Des clauses anti-abus pour éviter la fraude.
• Une phase pilote de 24 mois (Kinshasa, Kongo Central, Katanga) avec évaluation trimestrielle.
Baisser la TVA sur les matériaux de construction n’est pas un cadeau fiscal, c’est un investissement productif. Un taux ramené à 10 %, accompagné d’un remboursement accéléré, pourrait réduire le coût des chantiers de 5 %, relancer la demande, créer des emplois et renforcer la formalisation. Les modèles européens montrent que c’est possible, à condition d’être ciblé et rigoureux.
La TVA : frein ou levier ? La RDC a l’opportunité de transformer cet impôt en accélérateur pour rebâtir.
Rédaction


